Hyalinose segmentaire et focale

January 23, 2018 | Author: Anonymous | Category: N/A
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HYALINOSE SEGMENTAIRE ET FOCALE : QUAND RECHERCHER UNE CAUSE GÉNÉTIQUE CHEZ L’ADULTE ?

par

A. HUMMEL*

Le syndrome néphrotique, caractérisé par une protéinurie abondante, une hypoalbuminémie et souvent des œdèmes, est la manifestation d’un groupe hétérogène de pathologies. Le diagnostic étiologique chez l’adulte requiert la réalisation d’une biopsie rénale qui permet habituellement de caractériser le type de lésions histologiques à l’origine de la symptomatologie. La hyalinose segmentaire et focale (HSF) représente la première cause de syndrome néphrotique aux États-Unis (près de 35 % des cas) [1] et est probablement un peu moins fréquente en Europe (12 % dans un registre espagnol de syndrome néphrotique) [2] et en France notamment. Établir un diagnostic étiologique devant une biopsie rénale montrant des lésions de HSF n’est pas chose aisée. Une classification histopathologique des différentes lésions de HSF a été proposée il y a quelques années par l’équipe de D’Agati [3]. Cette dernière suggère que chacun des cinq types histologiques est sous-tendu par une base mécanistique particulière pouvant potentiellement rendre compte de causes différentes : la forme avec collapsus des floculus survient de façon prédominante chez les sujets à peau noire, avec un syndrome néphrotique profond, une faible réponse aux corticoïdes et une évolution rapide vers l’insuffisance rénale terminale ; la forme avec lésions du pôle urinaire (tip lesions) serait plus fréquente chez les sujets à peau blanche ayant présenté un syndrome néphrotique brutal avec un meilleur taux de réponse * Service de Néphrologie Adulte, Hôpital Necker, Paris. MÉDECINE SCIENCES PUBLICATIONS/LAVOISIER – ACTUALITÉS NÉPHROLOGIQUES 2011

(www.medecine.lavoisier.fr)

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aux corticoïdes et une évolution favorable ; la forme périhilaire est particulièrement observée dans les causes secondaires de HSF médiée par une réponse structurelle adaptative glomérulaire ; la forme cellulaire est la plus rare et souvent idiopathique ; enfin la forme dite classique, la plus fréquente, peut résulter de diverses causes [4]. Si cette classification permet de mieux caractériser les formes de HSF et peut constituer une aide pronostique, notamment dans les formes avec collapsus glomérulaire et avec lésions du pôle urinaire, elle reste peu spécifique pour le diagnostic étiologique de chaque patient. Les cliniciens avaient pour habitude de séparer les HSF dites primitives ou idiopathiques, des hyalinoses secondaires, le plus souvent rapportées à une réduction néphronique. Les progrès de cette dernière décennie ont permis d’identifier une variété de causes, incluant notamment des causes génétiques, virales ou toxiques chez des patients souffrant de HSF autrefois considérées comme idiopathiques, terme considéré comme « obsolète » par certains auteurs [5]. Établir le diagnostic étiologique est d’importance car il permet d’adapter au mieux la prise en charge thérapeutique (traiter une cause virale, éliminer un toxique pathogène, limiter la prescription d’agents immunosuppresseurs dont on sait qu’ils sont inefficaces dans les HSF d’origine génétique [6]). Il permet également parfois de mieux apprécier le pronostic et notamment le risque de récidive de la pathologie après transplantation rénale. Enfin, dans le contexte des HSF d’origine génétique, un conseil génétique peut être proposé aux familles dans certaines circonstances. Les antécédents familiaux de néphropathie et la recherche d’une cause secondaire de HSF sont des éléments clé du diagnostic. En l’absence de cause retrouvée, la détermination de la sensibilité du syndrome néphrotique aux corticoïdes permet Sd néphrotique de l’adulte Biopsie rénale

Autres causes de Sd néphrotique

HSF

HSF dites secondaires

Histoire familiale

Pas de cause identifiée

Toxiques Virales Réduction néphrotique

Autosomique dominante

INF2 TRPC6 ACTN4

Autosomique récessive

WT1

R229Q Si + NPHS2

Corticothérapie 1 mg/kg/j

Cortico résistance

Cortico sensibilité

Syndrome néphrotique idiopathique

FIG. 1. – Démarche diagnostique devant un syndrome néphrotique de l’adulte jeune secondaire à une hyalinose segmentaire et focale.

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d’orienter soit vers une HSF dite idiopathique, soit vers une HSF corticorésistante qui correspond chez un petit nombre de patients à des cas sporadiques de néphropathie génétiquement déterminée (Figure 1). Finalement, la démarche diagnostique du clinicien devant un patient adulte souffrant de HSF ne débouche que rarement sur une étude génétique.

LES CAUSES DITES SECONDAIRES La HSF est une lésion histologique non spécifique ; elle peut être observée dans de nombreuses situations pathologiques. Le Tableau I résume de façon non exhaustive TABLEAU I. – CLASSIFICATION ÉTIOLOGIQUE DES HYALINOSES SEGMENTAIRES ET FOCALES. HSF PRIMITIVE OU IDIOPATHIQUE HSF SECONDAIRE 1) Causes virales – VIH – Parvovirus B19 – CMV – SV40 2) Causes toxiques – Héroïne – Anabolisants – Interféron alpha – Lithium – Pamidronate – Sirolimus 3) Causes médiées par une réponse adaptative structurelle/fonctionnelle – Réduction néphronique (dysplasie, agénésie, chirurgie, reflux vésico-urétéral, évolution des pathologies avec réduction des néphrons fonctionnels) – Obésité – Drépanocytose – Cardiopathie congénitale cyanogène – Glycogénose – Processus athéro-embolique ou vaso-occlusif – Syndrome de dysautonomie familiale 4) Causes génétiques – Transmission autosomique dominante : mutations des gènes INF2, TRPC6, ACTN4, WT1, LMX1B, SMARCAL1 – Transmission autosomique récessive : mutations des gènes NPHS1, NPHS2, PLCE1, LAMB2, ITGB4 – Cytopathies mitochondriales : COQ2, PDDS2, MTTL1 5) Causes tumorales – Hémopathies, lymphoïdes essentiellement – Thymome – Syndrome d’activation macrophagique

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les principales causes de HSF. Ces dernières doivent être recherchées systématiquement car elles demandent parfois une prise en charge spécifique. On peut séparer en différentes catégories les causes de HSF qui sont essentiellement, si l’on exclut les causes génétiques, d’origines virales, toxiques et adaptatives, liées à une réduction néphronique et/ou une hypertension intraglomérulaire.

Virus Parmi les causes virales, la néphropathie liée au VIH est sans doute la plus connue et étudiée. La HSF liée au virus VIH est la néphropathie la plus fréquemment observée chez les patients infectés par ce virus malgré sa diminution récente d’incidence liée au développement des traitements antirétroviraux. Elle survient en règle chez des patients fortement immunodéprimés, presque exclusivement chez des sujets à peau noire. Le tableau néphrologique comporte un syndrome néphrotique profond avec insuffisance rénale et hyperéchogénicité des reins à l’échographie. La biopsie rénale peut être évocatrice lorsqu’il existe des lésions de HSF dans sa forme avec collapsus glomérulaire, une prolifération podocytaire et que les lésions glomérulaires sont associées à des lésions tubulo-interstitielles sévères avec dilatation tubulaire et formation de microkystes. La physiopathologie de la HSF liée au VIH n’est pas bien connue mais implique vraisemblablement une infection directe par le virus des cellules glomérulaire endothéliales et mésangiales et des cellules tubulaires. D’autres virus, notamment le parvovirus B19, ont été impliqués dans la survenue de HSF.

Toxiques Les causes toxiques de HSF sont nombreuses, qu’elles soient liées à des médicaments prescrits par les médecins ou à des substances non recommandées prises par les patients. Par exemple, une association entre utilisation de bisphosphonates et HSF a été décrite par plusieurs auteurs, essentiellement chez des patients atteints de myélome multiple ayant reçu de fortes doses de pamidronate [7]. Dans certains des cas décrits, le syndrome néphrotique s’améliorait après l’arrêt du traitement. Le mécanisme de l’atteinte podocytaire observée dans les biopsies de ces patients est inconnu. L’hypothèse a été proposée qu’il pourrait s’agir d’un mécanisme identique à celui provoquant la dysfonction et l’apoptose des ostéoclastes. Parmi les toxiques, l’héroïne est connue de longue date pour donner des HSF, essentiellement chez les sujets à peau noire. Récemment, l’équipe de Columbia a décrit dans une cohorte de 10 « bodybuilders » ayant utilisé de façon prolongée des anabolisants, la survenue d’un syndrome néphrotique avec insuffisance rénale et, à la biopsie rénale, des lésions de HSF avec glomérulomégalie, pour un tiers des biopsies des collapsus glomérulaires, et pour un autre tiers des lésions périhilaires. L’arrêt des anabolisants permettait de diminuer la protéinurie et de stabiliser ou améliorer la fonction rénale. L’hypothèse physiopathologique avancée pour le développement des lésions de HSF est la combinaison de modifications glomérulaires adaptatives en réponse à l’augmentation de masse musculaire et un effet toxique potentiel direct des stéroïdes anabolisants [8]. Bien d’autres toxiques ont été associés à la survenue de lésion de HSF.

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Réponse adaptative Les causes dites adaptatives, liées à une réduction néphronique, sont fréquentes ; le risque de développer une HSF est alors dose-dépendant à partir d’une perte supérieure à 50 % des néphrons. Toute néphropathie, quelle qu’en soit la cause initiale, peut évoluer vers la formation de lésions de HSF. La protéinurie est souvent moins abondante dans ce contexte et la survenue d’une hypo-albuminémie et d’œdèmes est rare. Des lésions de hyalinose peuvent également être induites par une hypertension intraglomérulaire secondaire à une vasodilatation rénale dans diverses maladies : drépanocytose, diabète, glycogénose de type 1, etc. Parmi ces pathologies, on note l’obésité morbide, qui connaît dans le monde une progression galopante avec plus de 5 millions d’adultes obèses en France en 2010. Elle est responsable de modifications hémodynamiques avec augmentation du flux sanguin rénal et activation du système rénine-angiotensine. Les patients obèses avec HSF ont souvent un débit de filtration glomérulaire élevé et une augmentation de taille des glomérules, témoignant d’un rôle de l’hypertension intraglomérulaire dans la genèse des lésions de hyalinose. Les patients atteints développent une protéinurie le plus souvent sans syndrome néphrotique. La perte de poids permet d’améliorer le débit de protéinurie [9]. De nombreuses situations peuvent donc entraîner une néphropathie glomérulaire de type HSF. Elles sont le plus souvent facilement identifiables par l’anamnèse, l’examen clinique et quelques examens biologiques. Depuis un peu plus de 10 ans, il a été mis en évidence qu’une proportion importante des enfants atteints de syndrome néphrotique résistant aux stéroïdes était porteuse d’anomalies dans des gènes codant des protéines podocytaires et de la barrière de filtration glomérulaire (Figure 2) : des protéines du diaphragme de fente (néphrine, podocine), des protéines interagissant avec ces dernières (CD2AP, TRPC6), des protéines régulant ou interagissant avec le cytosquelette d’actine du podocyte (α-actinine-4, INF2), ou encore des protéines intervenant dans les voies de signalisation intracellulaire (phospholipase Cε, TRPC6). La stratégie pour la séquence de recherche de ces différentes mutations est du ressort des généticiens. Elle dépend en pratique des éléments cliniques (âge de début du syndrome néphrotique) et histologiques (hyalinose segmentaire et focale, lésions glomérulaires minimes, sclérose mésangiale diffuse, etc.) ainsi que, dans les cas familiaux, du mode de transmission. Chez l’enfant, d’autres causes génétiques de syndrome néphrotique peuvent être observées (mutations dans les gènes WT1, LMX1B, LAMB2, ITGB4, cytopathies mitochondriales, etc.), mais le syndrome néphrotique fait alors souvent partie d’un ensemble syndromique guidant le diagnostic génétique : pseudohermaphrodisme masculin, tumeur de Wilms ou gonadoblastome dans les syndromes de Denis-Drash et Frasier (mutation de WT1), dysplasie des ongles et absence de rotule dans le syndrome Nail Patella (mutation de LMX1B), microcorie et anomalies neuromusculaires dans le syndrome de Pierson (mutation de LAMB2) par exemple. La plupart des anomalies des gènes codant des protéines podocytaires entraînent une néphropathie débutant dans l’enfance. Néanmoins, certaines peuvent avoir un début plus tardif à l’adolescence, voire chez le jeune adulte. Elles sont suffisam-

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podocyte

Coll Iv (α3-5)

Membrane basale glomérulaire

néphrine αactinine4 podocine actine

CD2AP TRPC6 PLCε1 INF2

Intégrine α3β1 Laminine 11 (α5β2γ1)

FIG. 2. – Représentation schématique du diaphragme de fente podocytaire et des principales protéines impliquées dans les syndromes néphrotiques héréditaires.

ment rares pour que leur recherche ne se fasse que dans certaines circonstances particulières.

ÉTUDES GÉNÉTIQUES CHEZ L’ADULTE Chez l’adulte, la probabilité de trouver une anomalie génétique devant un syndrome néphrotique est bien moindre que chez l’enfant et les recherches de mutation doivent être motivées car elles sont parfois longues, compliquées et coûteuses. En pratique, elles ne sont réalisées en première intention que chez les patients chez lesquels il existe des antécédents familiaux de néphropathie (voir Figure 2).

Transmission autosomique dominante Lorsqu’il s’agit d’une transmission de type autosomique dominant, il convient de rechercher les anomalies génétiques selon l’ordre de fréquence à laquelle ces mutations ont été mises en évidence : en l’état actuel des connaissances, successivement des mutations du gène INF2 puis TRPC6 et ACTN4 et éventuellement WT1.

INF2 L’équipe de Pollack [10] à Boston a identifié très récemment un locus en 14q32 chez deux familles atteintes de syndrome néphrotique de transmission autosomique dominante. Ils ont ensuite séquencé 15 gènes présents dans ce locus et identifié des mutations du gène INF2 codant une protéine de la famille des formines qui joue

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un rôle dans la polymérisation du cytosquelette d’actine. L’étude de 91 individus non apparentés avec HSF familiale a permis d’identifier 9 familles supplémentaires porteuses d’une mutation d’INF2, essentiellement au sein de l’exon 4. Les individus atteints se caractérisent cliniquement par l’apparition d’une protéinurie modérée à l’adolescence ou à l’âge adulte sans syndrome néphrotique (âge au diagnostic variant de 11 à 72 ans). Une hypertension artérielle et une hématurie microscopique sont parfois notées. L’évolution se fait vers l’insuffisance rénale terminale entre 13 et 67 ans. Les biopsies de ces patients ne présentent pas de caractéristiques particulières et sont classées comme HSF de forme classique. La prévalence des mutations dans cette série est d’environ 12 %. L’équipe de Corinne Antignac [11] a confirmé l’importance du gène INF2 dans les HSF autosomiques dominantes en trouvant des mutations chez 17 % des 54 familles testées. À noter qu’aucune mutation n’a été détectée chez 90 cas sporadiques de syndrome néphrotique corticorésistant.

TRPC6 ET ACTN4 Des mutations mises en évidence dans les gènes TRPC6 et ACTN4 ont également été impliquées dans des formes tardives de syndrome néphrotique autosomique dominant et pourraient rendre compte de 4 à 6 % des cas de syndromes néphrotiques corticorésistants [12, 13]. TRPC6 code un canal cation peu sélectif associé à la podocine au niveau du diaphragme de fente et ses mutations entraînent souvent une dérégulation des influx de calcium [14, 15]. La symptomatologie de la première famille décrite fait état de l’apparition d’une protéinurie de fort débit au cours des 3e et 4e décennies, avec évolution vers l’insuffisance rénale terminale en une dizaine d’année [15]. Il semble exister cependant une grande variété phénotypique de la maladie parmi les familles décrites par la suite, avec notamment l’existence d’apparentés porteurs de la mutation asymptomatiques [12, 16]. L’α-actinine 4 est une protéine impliquée dans la dynamique du cytosquelette du podocyte, reliant les filaments d’actine. Les mutations d’ACTN4 entraînent une protéinurie apparaissant chez l’adulte jeune avec une progression vers l’insuffisance rénale terminale en une dizaine d’année [13, 17].

WT1 Enfin, il a été décrit chez des femmes sans pseudo-hermaphrodisme masculin (de caryotype XX) des mutations situées dans l’intron 9 du gène WT1 se présentant comme une HSF isolée à l’âge adulte sans autre anomalie associée [18]. Il est donc important d’évoquer ce diagnostic, surtout s’il existe d’autres cas dans la famille de glomérulopathie avec ambiguïté sexuelle et/ou gonadoblastome. Un cas de transmission mère-enfant a été rapporté avec phénotype beaucoup plus sévère chez l’enfant de caryotype XY [19]. Récemment, une famille italienne (5 patients masculins et féminin sur 3 générations) atteinte de néphropathie glomérulaire de type HSF évoluant vers l’insuffisance rénale terminale entre 44 et 69 ans, a été diagnostiquée comme porteuse d’une mutation dans l’exon 9 du gène WT1 [20].

Transmission autosomique récessive Lorsqu’il s’agit d’une transmission de type autosomique récessif, il est exceptionnel de trouver à l’âge adulte des mutations homozygotes ou hétérozygotes

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composites des gènes responsables des syndromes néphrotiques autosomiques récessifs de l’enfant. Certaines anomalies particulières du gène NPHS2 peuvent néanmoins être recherchées.

R229Q Les mutations dans le gène NPHS2 codant la podocine ont initialement été décrites dans les syndromes néphrotiques corticorésistants touchant le jeune enfant, avec une évolution vers l’insuffisance rénale terminale avant la première décennie [21, 22]. Tsukaguchi et coll. décrivent en 2002 des formes plus tardives de HSF de transmission autosomique récessive associées à des mutations de NPHS2 dans près de 23 % des cas familiaux [23] ; la majorité associe une mutation pathogène de NPHS2 et un variant particulier, R229Q. La fréquence de ce variant à l’état hétérozygote est d’environ 5 % dans la population caucasienne, et son rôle pathogénique a été suggéré par des études in vitro montrant une diminution de la liaison de la podocine à la néphrine. Après cette première étude, trois larges cohortes de HSF adultes, certaines incluant des patients corticosensibles, n’ont pas trouvé de mutation de NPHS2. Plus récemment, nous avons identifié dans une population de patients atteints de syndrome néphrotique corticorésistant survenant à l’âge adulte, 18 patients sur 119, porteurs d’une hétérozygotie composite associant le variant R229Q et une mutation pathogène, soit 25 % des formes familiales et 11 % des formes sporadiques, fréquence comparable à celle retrouvée par Tsukaguchi [23, 24]. L’âge moyen au diagnostic était de 17,3 ans et à l’insuffisance rénale terminale de 26,4 ans. Parmi les 21 familles étudiées, 14 étaient originaires d’Amérique du Sud et presque toutes porteuses de la mutation A284V, qui semble particulièrement fréquente dans cette population comme l’a récemment confirmé une étude espagnole ayant identifié 6 nouveaux cas (R229Q/A284V) parmi 49 HSF corticorésistantes [24, 25].

Intérêt clinique du diagnostic génétique Ces anomalies génétiques, bien que rares, sont néanmoins importantes à mettre en évidence pour guider la prise en charge thérapeutique des patients. Tout d’abord, elles permettent de limiter l’escalade des immunosuppresseurs. Buscher et coll. ont étudié la réponse à la ciclosporine chez 91 patients atteints de syndrome néphrotique congénital ou résistant aux corticoïdes [6]. Dans cette population, 52 % des patients (essentiellement des enfants) étaient porteurs d’anomalies génétiques (NPHS1, NPHS2, WT1, LAMB2 et TRPC6). Parmi les patients sans anomalie génétique identifiée, 68 % ont obtenu une rémission, complète pour la plupart, alors qu’aucun des patients avec anomalie génétique n’a obtenu de rémission complète. Les quelques cas de réponse partielle du syndrome néphrotique à la ciclosporine pourraient être expliqués pas l’effet vasoconstricteur de la ciclosporine et/ou son action sur la stabilité du cytosquelette d’actine du podocyte [26]. Le diagnostic génétique permet également de mieux appréhender le pronostic rénal des patients, l’identification d’une cause génétique étant moins favorable en termes d’évolution vers l’insuffisance rénale terminale (71 % versus 29 % dans l’étude de Buscher [6]) mais meilleur en termes de risque de récidive après transplantation rénale (3-8 % versus 20-35 % des cas) [6].

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L’intérêt du diagnostic génétique dans le contexte des patients hétérozygote composite (R229Q/mutation de NPHS2) est, en outre, de pouvoir proposer un conseil génétique aux familles de patients atteints. La recherche du variant R229Q devrait être proposée aux femmes des patients ou à celles des apparentés hétérozygotes asymptomatiques compte tenu de sa fréquence dans la population caucasienne et du risque de maladie pour la descendance.

SENSIBILITÉ AUX CORTICOÏDES Après avoir éliminé une cause secondaire de HSF et en l’absence d’histoire familiale, il est licite de proposer un traitement aux patients, néphroprotecteur dans tous les cas, parfois associé à un traitement spécifique. Il est admis qu’un traitement immunosuppresseur est indiqué dès lors que la protéinurie est de débit néphrotique. Les corticoïdes, prescrits en première intention, ont montré, essentiellement dans des études observationnelles [27-29], qu’ils permettaient d’induire une réponse partielle ou complète chez 40 à 80 % des patients. Ils sont prescrits à la posologie de 1 mg par kilo et par jour. Une durée minimale de 12 à 16 semaines à cette posologie chez l’adulte est requise pour définir la corticorésistance [30-32]. Les patients qui ont obtenu une réponse partielle ou complète sous traitement sont dits corticosensibles et sont le plus souvent atteints de syndrome néphrotique idiopathique, dont la pathogénie reste incertaine mais associée à une dysfonction cellulaire T et à la production d’un facteur de perméabilité glomérulaire. Il n’y a pas lieu dans ce contexte de faire de recherches génétiques sauf dans les rares cas où plusieurs personnes sont atteintes dans la famille. En effet, Ruf et coll. ont mis en évidence un locus situé en 2p12-p13.2 en étudiant une grande famille consanguine avec syndrome néphrotique corticosensible. Il existe néanmoins une grande hétérogénéité génétique des syndromes néphrotiques corticosensibles familiaux [33, 34] qui pourraient représenter jusqu’à 3 % des cas [35]. L’absence de réponse à la corticothérapie est beaucoup plus fréquente chez l’adulte (40 % des cas environ) que chez l’enfant (10 % des cas). Chez l’enfant, elle amène à réaliser une biopsie rénale (qui n’est pas faite de première intention en cas de syndrome néphrotique typique chez un enfant âgé de 1 à 10 ans) ainsi qu’une étude génétique guidée par le phénotype. Chez l’adulte, il est suggéré de rechercher la présence du variant R229Q. En cas de présence de ce variant, une étude plus complète du gène NPHS2 peut être proposée. Les autres anomalies génétiques sont suffisamment rares pour ne pas être recherchées en dehors du cadre de la recherche.

CONCLUSION Une étude génétique peut parfois être justifiée devant une HSF chez un patient adulte jeune lorsqu’il existe une histoire familiale ou qu’une cause secondaire a été écartée et que la corticorésistance a été affirmée par un traitement correctement conduit selon les recommandations actuelles. L’existence d’une hérédité autosomique dominante orientera la recherche vers l’analyse des gènes INF2, TRPC6 et

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ACTN4 et éventuellement WT1. Une hérédité autosomique récessive ainsi que les cas sporadiques de syndrome néphrotique corticorésistant amèneront à rechercher la présence du variant R229Q du gène NPHS2, à compléter par l’ensemble de l’étude du gène en cas de positivité. Cette hérédité mendélienne ne rend néanmoins compte que d’une partie du rôle de la génétique dans la genèse des maladies rénales. Récemment, des gènes de « susceptibilité rénale » ont été mis en évidence. Il a initialement été montré que certains variants du gène MYH9, bien que non pathogènes, jouaient un rôle majeur dans le développement d’une insuffisance rénale terminale chez les patients africains américains, notamment dans la HSF idiopathique ou liée au VIH, ou encore dans la néphroangiosclérose [36, 37]. Plus récemment, il a été montré que ces variants de MYH9 étaient en déséquilibre de liaison avec des variants du gène codant l’apolipoprotéine 1, situé à proximité, avec une association encore plus forte entre certains haplotypes et le risque de HSF ou d’insuffisance rénale terminale chez l’africain américain [38, 39]. D’autres « marqueurs génétiques » pourraient avoir un rôle dans le pronostic rénal des patients : des mutations hétérozygotes de CD2AP ont été trouvées chez des patients atteints de HSF et chez des individus asymptomatiques [40, 41] et il a été montré, dans un modèle de souris, que l’hétérozygotie pour CD2AP n’entraînait de phénotype rénal qu’après injection d’anticorps néphrotoxiques [42]. D’autres variations génétiques (mutations ou polymorphismes) participent probablement à la susceptibilité individuelle à développer une néphropathie en réponse à une agression glomérulaire.

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HSF DE L’ADULTE : QUAND RECHERCHER UNE CAUSE GÉNÉTIQUE ?

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